L’hôpital public est malade et ses “petites mains”, les infirmières et infirmiers, en sont, entre autres, les principales victimes. Entre sous-rémunération, fermetures de lits, surmenage, heures supplémentaires à foison, le métier ne fait plus rêver. Cette crise des vocations a pourtant des conséquences.
Épuisés, un nombre inédit d’infirmières et d’infirmiers ont jeté l’éponge. La cause ? Les conditions de travail, un métier qui n’est pas valorisé, le système hospitalier qui, à force de désirs de rentabilité, broie son personnel soignant. La crise sanitaire, provoquée par le Covid-19, a aggravé les choses.
Des chiffres en alerte rouge
D’après une étude de la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) publiée en mai 2018 (n° 1062), entre 2014 et 2040, les effectifs infirmiers en France devraient progresser de 53 % pour passer de 600000 à 881000. La cause principale : le vieillissement de la population. En 2040, 15 % de la population aura plus de 75 ans contre 9 % aujourd’hui. Mais les chiffres ne valent que s’ils sont affinés. En 15 ans, les salariés du secteur hospitalier public ont augmenté de 14%. Les effectifs infirmiers ont progressé de 7,4% alors que dans le secteur privé de la santé, ils augmentaient de 17,6 %. Plus 14% en 15 ans, mais la part de progression des infirmiers et infirmières s’atténue en 2010, passant de + 1,6% à + 0,3%. Au 31 décembre 2017, on notait même pour la première fois un léger repli de moins 0,3%. Et tous les spécialistes, y compris Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique sur le Covid-19, s’accordent à dire qu’aujourd’hui en 2021, il n’y a jamais eu à l’hôpital autant de fermetures de lits et de démissions des personnels hospitaliers, notamment des infirmières. Le mouvement de recul des effectifs infirmiers constaté en 2017, s’est fortement accentué avec la crise sanitaire en 2020 et 2021.
Une crise des vocations liée au contexte de l’hôpital
Le métier d’infirmière fait toujours rêver, mais les conditions de travail et d’exercice de cette profession, surtout en secteur hospitalier public, effraient les personnels. Les études abondent sur la situation de stress et le moral en berne des personnels soignants dans le public : on découvre leur enfer personnel car leur voix porte de plus en plus. Lors de la première vague de Covid, il y avait une infirmière pour 6 patients. Aujourd’hui au moment où s’amorce la cinquième vague, il y a une infirmière pour 8 patients. Sur les deux premières années du quinquennat d’Emmanuel Macron, 7000 lits d’hôpitaux ont été fermés ; en 2020, en pleine crise de Covid-19, 5 700 lits ont été fermés. Officiellement, les lits sont fermés parce qu’il y a des transferts d’activité vers les EHPAD et un développement de la médecine ambulatoire avec d’avantage d’hospitalisation à domicile. Les avis varient sur les chiffres de fermeture mais ils ne sauraient masquer la tendance réelle à la fermeture de lits malgré la crise sanitaire. Et quand les vagues de COVID 19 se succèdent, on manque de lits notamment en réanimation, on retarde les soins pour les autres maladies, on met en danger la santé des assurés sociaux.
Un métier qui n’est pas valorisé
Les infirmières et infirmiers sont laminés, broyés. Dans leur entretien d’évaluation, leurs supérieurs hiérarchiques leurs reprochent de ne pas faire assez et ne pas être assez performant. Hier, on les applaudissait à tout rompre tous les soirs à vingt heures, aujourd’hui on les ignore, on regarde ailleurs. Sait-on au moins que pour des journées de travail interminables, les salaires mensuels d’infirmier en hospitalisation publique ne dépassent pas 2000 euros ? Malgré le Ségur de la santé, la moyenne annuelle des salaires d’infirmiers est inférieure de 10% à la moyenne européenne (source : SNPI). Les personnels soignants et non soignants en hospitalisation publique démissionnent parce qu’ils et elles culpabilisent. Les infirmières refusent d’être complices des fossoyeurs de l’hospitalisation publique, elles craignent de ne plus être en capacité d’assurer leur mission de soignant. 180000 IDE (infirmières diplômées d’État) ont démissionné. Parmi celles qui restent, 43 % ne savent pas si elles seront toujours infirmières dans 5 ans. Certaines changent de métier, d’autres postulent dans les établissements privés de santé ou les établissements sociaux-médicaux, notamment parce que les salaires y sont beaucoup plus élevés. L’hôpital est malade, c’est sûr. Mais des rapports, des mauvaises langues, disent que cette situation de l’hospitalisation publique pourrait être voulue, afin de faciliter le développement et le suivi des soins dans les établissements privés et médico-sociaux…